6 de fevereiro de 2016

Há 82 anos, a revolta fascista em França.



Le Front populaire, « âge d’or » de l’union des gauches, avec ses 40 heures et ses congés payés, vit encore dans nos mémoires. En revanche, l’émeute sanglante impulsée par l’ensemble de la nébuleuse d’extrême droite dans la nuit du 6 février 1934 en direction de la Chambre des députés, qui ft 15 morts et 1 500 blessés, a quelque peu disparu de nos radars… Et pourtant ! Cette insurrection éclate dans un contexte de profonde crise économique et de paralysie de la classe politique. La crise économique, venue des Etats-Unis (la crise de 1929 arrive en France en 1931), est d’autant plus ravageuse que l’Etat-providence n’existe pas encore, encore moins les indemnités chômage. Les gouvernements se succèdent, mais les politiques étalent leur impuissance, et leur discrédit s’aggrave au fl des ans. Le Parti radical-socialiste, « élu par les petits et gouvernant avec les gros », « Le cœur à gauche, mais le portefeuille à droite », selon des expressions de l’époque, est le pivot de la IIIe  République. Face à la crise économique, les radicaux n’oseront jamais impulser une politique keynésienne de relance à l’image du New Deal de Roosevelt. Les classes moyennes, dont le Parti radical se veut le représentant, seront les premières victimes de la crise. Les multiples scandales de corruption qui éclaboussent le Parti radical participeront un peu plus à dégrader l’image de « politiciens incapables et malhonnêtes ». Entre socialistes et communistes, la situation n’est marches convergentes Les ligues nationalistes emmenées par l’Action française, royaliste, les Croix-de-Feu et les associations d’anciens combattants, convergent vers le Palais-Bourbon pour “balayer cette Chambre

 guère plus brillante. En 1934, le traumatisme de la scission de Tours (1920) qui a donné naissance au Parti communiste pèse de tout son poids. Sous l’impulsion de l’Internationale communiste dirigée par Staline, le PC pratique une politique systématique de dénonciation des socialistes « valets de la bourgeoisie », « vendus au système ». L’appel incantatoire au « front unique » a pour objectif explicite de « plumer la volaille socialiste », selon le mot d’Albert Treint, éphémère secrétaire général du PC. Quant au Parti socialiste, il pratique une politique que Léon Blum lui-même qualifera parfois d’« inconséquente ». Refusant systématiquement l’exercice du pouvoir, il monnaye continuellement son soutien au Parti radical. Cette politique alimente une très grande instabilité gouvernementale qui contribue largement au succès de l’antiparlementarisme. Cette situation intérieure peu réjouissante est aggravée par un horizon international particulièrement sombre. Mussolini tient l’Italie sous sa férule depuis plus d’une décennie et Hitler est au pouvoir depuis un an… un scandaLe poLitico-financier de trop C’est dans ce contexte que l’afaire Stavisky éclate les derniers jours de décembre 1933. « Ce juif étranger », comme aime à le souligner l’Action française, a escroqué quelque 200 millions de francs grâce à la complicité active du maire de Bayonne et le soutien de plusieurs parlementaires radicaux. La presse découvre que la justice et la police connaissaient depuis plusieurs années les agissements de l’aventurier, objet de 19 poursuites judiciaires restées sans suite… Pour les journaux d’extrême droite, Stavisky est le pur produit de « la finance métèque et juive », « de la pourriture parlementaire et maçonnique ». Le 8 janvier, la police étant venue l’arrêter, l’escroc se suicide. C’est du moins la thèse ofcielle, mais personne n’y croit. « Stavisky s’est suicidé d’une balle tirée à 3 m. Voilà ce que c’est que d’avoir le bras long », ironise le Canard enchaîné. Les Ligues se déchaînent Sous le vocable « ligues », on retrouve une grande diversité d’organisations prônant toutes les thématiques traditionnelles de l’extrême droite. Elles se présentent souvent comme des associations d’anciens combattants voulant retrouver « l’esprit d’union des tranchées ». Quelques groupuscules se réclament ouvertement du fascisme, mais restent assez marginaux. En revanche, L’Action française, royaliste, avec son « nationalisme intégral » et son antisémitisme viscéral, exerce une grande infuence. De loin les plus nombreux, les Croix-de-Feu prônent « la réconciliation nationale ». Malgré leur organisation paramilitaire et leur reprise des grands thèmes de l’extrême droite (à l’exception de l’antisémitisme), les Croix-de-Feu récusent la stratégie insurrectionnelle. Dans la nuit du 6 février, l’appel à la dispersion lancé par leur dirigeant, le colonel de La Rocque, a permis sans doute d’éviter la prise de la Chambre des députés par des manifestants déchaînés. Mais, au-delà de leur logique propre, les ligues seront souvent instrumentalisées par certains leaders de la droite traditionnelle, par ailleurs riches industriels, qui les fnancent sur leurs fonds personnels ou grâce aux fonds secrets… « Nous entreprendrons une marche convergente vers cet antre qui s’appelle le Palais-Bourbon et, s’ il le faut, nous prendrons des fouets et des bâtons pour balayer cette chambre d’incapables », cette formule de la Fédération des contribuables pourrait être le programme commun des ligues… « Les ligues sont bien la réponse française à la crise de la démocratie libérale, selon l’historien Serge Berstein. Profondément enracinées dans l’ histoire nationale et la tradition activiste fondée sur la démocratie directe qui caractérise le bonapartisme et ses avatars, elles proposent une forme de République consulaire à exécutif fort. » L’antiparlementarisme et l’anticommunisme sont le plus souvent associés à la dénonciation du « complot franc-maçon », des « métèques » en général et des « youtres » en particulier. des traditions bien françaises Les raisons de revenir sur ces événements de février 1934 sont multiples. D’une part, à l’heure où l’« Identité nationale » est remise au goût du jour, où la lepénisation des esprits se développe, il n’est pas inutile de rappeler que l’extrême droite est une réalité politique bien ancrée dans la tradition française. Le discrédit qui l’a frappée après l’écrasement du fascisme en 1945 n’a duré que quelques décennies. On oublie trop souvent sa force depuis les lendemains de la Commune et de la défaite de 1871, avec, entre autres,son rôle central dans l’afaire Dreyfus où nationalisme, haine du « métèque » et antisémitisme obsessionnel s’enchevêtrent totalement. D’autre part, cette nuit d’émeute du 6 février que l’ensemble de la gauche de l’époque a vécu comme « une tentative de coup de force fasciste » a été l’électrochoc qui a amené cette gauche totalement fracturée à accomplir les premiers pas (timides) vers l’union. En réaction au 6 février, socialistes et communistes manifestent pour la première fois ensemble dans la rue le 12 février. Cette démarche progressera au fl des mois pour déboucher deux ans plus tard sur la victoire du Front populaire. Les lendemains du 6 février 1934 marquent ainsi le véritable acte de naissance d’une autre tradition bien fran- çaise : l’antifascisme qui pour le meilleur, mais pas toujours, reste un marqueur essentiel du peuple de gauche. d’inquiétantes correspondances Des historiens, Serge Berstein, Alexis Corbière, Philippe Corcuff, Zeev Sternhell, Benjamin Stora, Pierre-André Taguief et Michel Winock, nous livrent leurs analyses sur les années 30 (lire p. 64), et en quoi elles nous renseignent ou pas sur ce que nous vivons aujourd’hui. On y découvrira des correspondances, comme une profonde crise économique, l’impuissance et le discrédit des politiques et les réfexes de repli identitaire. Persuadé que l’on saisit mieux les événements en replongeant dedans, nous vous proposons aussi de revivre sur le vif ces quelques jours de février 1934 au travers de la presse. Un voyage avec les témoins de l’époque. 

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