6 de setembro de 2017
vida e obra do Festival de Nancy
Une utopie en vingt actes
Théâtre
De 1963 à 1983, la ville de Nancy est, grâce à son festival mondial, au coeur de la vie culturelle de l’époque. Dans un livre aussi vivant que documenté, Jean-Pierre Thibaudat en fait la passionnante chronique posthume.
por
Anaïs Heluin
De 1963, on se rappelle surtout l’assassinat de John Kennedy. C’est aussi une année qui se révélera capitale dans l’histoire du théâtre en France. Celle de la naissance d’un rendez-vous dont le souvenir est jourd’hui en passe de s’effacer : le Festival mondial du théâtre de Nancy (FMT), dans lequel Jean-Pierre Thibaudat voit rien de moins que « le dernier grand festival du XXe siècle ». Soit non seulement une vitrine des révolutions théâtrales de l’époque, mais aussi un laboratoire d’où sortent « de futurs grands directeurs de théâtre ou producteurs ». Un fabuleux miroir du « miracle et du mirage d’une époque », écrit le critique et écrivain, qui en fait le récit dans un beau-livre publié aux Solitaires intempestifs.
Journaliste à Libération de 1978 à 2006, Jean-Pierre Thibaudat a connu les dernières grandes éditions du FMT. Il est ensuite conseiller artistique au festival Passages, qui se tient à Nancy avant d’être déplacé à Metz.
C’est donc fort d’une importante culture lorraine qu’il reconstitue la mémoire de vingt ans de rencontres
théâtrales, en réalisant des entretiens avec de nombreux témoins et en recoupant toutes les archives auxquelles il a pu avoir accès. Résultat : une captivante chronique nourrie de sources sûres comme de souvenirs forcément transformés par le temps. L’histoire chronologique en vingt actes d’une « utopie théâtrale », sous-titre du livre.
Alors que le Théâtre des nations, à Paris, se tourne vers un art de plus en plus conventionnel, le groupe d’étudiants nancéens qui décide,en 1963, de fonder un festival se place d’emblée du côté de la nouveauté.
Des « groupes marginaux, des incisifs, des originaux ». Autant de qualificatifs que l’on ne songerait pas forcément aujourd’hui à associer au premier « animateur » du festival, dont l’édition initiale s’intitulait « Dionysies internationales du théâtre étudiant » : Jack Lang, alors étudiant à Nancy. Dans l’effervescence du théâtre universitaire de l’époque, l’événement tranche d’abord par son ambition.
Dès 1964, le festival accueille en effet vingt-sept spectacles issus de vingt pays. Le rêve commence à devenir réalité. c son écriture vive qui mêle anecdotes et informations plus officielles, Jean-Pierre Thibaudat traduit dès les premiers chapitres l’esprit subversif et contestataire pré-soixante-huitard qui nourrit le FMT. Lequel accueille en effet très tôt des artistes pour qui la révolution est aussi bien politique qu’esthétique.
Certains marqueront leur discipline. C’est le cas de la compagnie américaine Bread and Puppet Theater, qui vient pour la première fois à Nancy en 1968 avec deux spectacles dénonçant la guerre du Vietnam. Ses masques et ses marionnettes géantes deviennent les emblèmes de cette période qui constitue l’âge d’or du FMT.
L’année suivante, la révélation vient du Mexique, avec le Teatro Campesino. « Un théâtre ouvrier-paysan né d’une grève, avec un travail scénique formidablement simple, cinglant et joyeux. » Il reviendra. De même que le Polonais Jerzy Grotowski, figure importante du FMT dès ses débuts. Le festival n’a pas n’importe quelles fidélités. Et celles-ci ne naissent pas par hasard. De fait, dès les premières années, des « prospecteurs » sont envoyés à travers le monde pour repérer les talents. Une démarche rare et passionnante, à laquelle l’auteur consacre presque autant de place qu’aux spectacles programmés et à l’atmosphère électrique qui règne dans la petite ville de province. Il n’a pas besoin de souligner l’absence, dans la France actuelle, d’un festival d’une qualité artistique et humaine comparable.
Disparu avec la fin des utopies politiques qui l’ont vu naître, le FMT marque la fin d’un temps que Jean-Pierre Thibaudat a la subtilité de décrire sans nostalgie.
Pour accueillir ce qui se crée de beau aujourd’hui, ce qu’il fait sur son excellent blog « Balagan », hébergé par Mediapart. »
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