4 de abril de 2017

viagem aos tempos do macartismo

Em «Marianne»



C’est la règle ! Chaque fois qu’un César de carton-pâte est couronné roi aux Etats- Unis, les « élites » locales se désolent de n’avoir rien vu venir. « Je ne comprends pas comment Reagan a pu être élu, car tous mes amis ont
voté contre lui », se lamentait une couturière new-yorkaise après la victoire de l’acteur en 1980. Honni sur les campus et mis en pièces par les satiristes, Donald Trump a pareillement, pour mieux rafler la mise, accumulé les énormités. Furieux « bouffeur de rouges », Joe McCarthy stupéfia, lui aussi, au début des années 50 la gente pensante qui jugea d’abord insignifiant ce bravache en fer-blanc. Jusque-là, McCarthy ne s’était signalé que par sa campagne contre le rationnement du sucre, une survivance des années de guerre. Sa notoriété n’avait pas dépassé les frontières du Wisconsin dont il avait été élu sénateur en 1947. Ses collègues le considéraient comme un drôle de drille, un peu braillard et trop porté sur le bourbon.

Pour lancer sa croisade contre « l’araignée rouge », le futur « grand inquisiteur » choisit une cérémonie à la gloire d’Abraham Lincoln, ignorant sans doute que, du temps de la guerre civile, le vainqueur du Sud avait entretenu une correspondance amicale avec Karl Marx…

donner à la presse sa ration de gros titres

D’entrée de jeu, McCarthy fignole la méthode qui va assurer son ascension : cajoler la presse, en lui donnant chaque jour sa ration de gros titres, et préférer à l’accusation précise l’insinuation. Comédien consommé, il extirpe ainsi de sa poche, devant son auditoire abasourdi, une feuille où seraient inscrits les noms de 205 hauts fonctionnaires à la solde du Kremlin et « couverts par le secrétaire d’Etat, Dean Acheson lui-même » ! Pur bluff, car, pressé des mois plus tard de préciser sa pensée, il réduira la liste à 58, puis

Au bûcher cinéastes, -généraux, simples citoyens…McCarthy - ici, à g. – pourchasse jusqu’aux homosexuels, qui“constituent un risque pour lasécurité de la nation, car ils sont vulnérables au chantage”. Pas dechance, son assistant, Roy Cohn - à d. -, se fera épingler pour son penchant pour les hommes.

finalement à cinq « suspects » d’ailleurs exempts, après enquête, du moindre flirt avec Moscou. Il n’empêche qu’en ce printemps 1950 l’élu du Middle West a bien choisi son moment pour ffoler une Amérique qui s’estime en état de siège. Deux ans plus tôt, la Chine a viré au rouge, et en 1949 l’URSS a effectué, contre toute attente, son premier essai nucléaire. Ex-conseiller
du président Roosevelt à la conférence de Yalta, Alger Hiss vient d’être reconnu coupable d’espionnage et les époux Rosenberg ont été incarcérés pour avoir fourni à l’URSS des renseignements sur la fabrication de la bombe A.

Surtout, l’embrasement de la planète paraît imminent depuis que, en Corée, l’Est et l’Ouest en sont venus aux armes, deux ans tout juste après le blocus de Berlin par Staline… Vu l’urgence du péril, toute réticence sur les méthodes de McCarthy s’apparente ainsi à de la haute trahison. « Quelle douche froide ! Les Américains étaient sortis de la Seconde Guerre mondiale convaincus de leur supériorité morale et matérielle, et voilà qu’ ils accumulaient les camouflets !
L’ idée d’une trahison au coeur même de l’Etat s’est donc vite imposée comme la seule explication possible », rappelle l’historien américain David Oshinsky.

Quand Truman craint de passer pour un faible

McCarthy va exhiber comme premier trophée le scalp de John S. Service. Sinologue réputé du Département d’Etat, ce dernier a été chargé d’explorer, au plus fort de la guerre civile chinoise, l’éventualité d’un partage du pouvoir entre communistes et nationalistes. Sûr de triompher, Mao n’a nulle intention, en bon stalinien, de transiger. « Il conviendrait plutôt, suggère Service, dans son rapport, de tâter ses intentions à l’égard de l’Amérique. »Un constat qui lui vaut d’être taxé de « défaitisme » puis congédié par Harry Truman. Mis en joue par les ultras, le président redoute par-dessus tout d’être  accusé de faiblesse. De plus, Service a aggravé son cas en fréquentant Harvard… Un « repaire notoire,selon McCarthy, de snobs bolchevisants ». Au total, la traque méthodique des fonctionnaires « suspects »
Coupables d’« outrage au Congrès », ces fortes têtes s’étaient retranchées derrière le premier amendement de la Constitution – qui garantit la liberté d’opinion – pour refuser de coopérer avec la Commission des activités antiaméricaines. Ils écopèrent de six mois à un an de prison.
En plus de Chaplin, Jules Dassin et Joseph Losey seront, plus tard, acculés à l’exil. Dalton Trumbo, lui, continuera à écrire, à l’insu du public, des scénarios sous divers patronymes. C’est seulement en 1959, après l’épuisement de l’hystérie antirouges, que son nom réapparaîtra dans les génériques d’Exodus et de Spartacus. « Ma condamnation pour outrage au Congrès était, avoua-t-il, parfaitement justifiée, car je n’avais que du mépris pour ces guignols. »
Tout le monde n’étant pas, comme Trumbo, douépour l’héroïsme, on ne dénombre qu’une minorité de réfractaires qui osèrent tenir tête à leurs persécuteurs. « Je ne sais pas si je suis communiste, mais mon compte en banque, lui, a toujours été dans le rouge ! » rétorque
Woody Guthrie, le barde de l’Amérique ouvrière, quando on le prie de rendre des comptes. « C’est votre commission qui a des activités antiaméricaines », proteste Humphrey Bogart, « coupable » d’avoir affiché treize ans plus tôt son soutien à la République espagnole.
Victime oubliée de cette pantomime, le compositeur Elmer Bernstein décide de brûler ses vaisseaux : « Les seuls dans cette salle qui minent la Constitution sont mes accusateurs eux-mêmes ! » Plus nombreux sont les renégats qui décident de « lâcher des noms » pour
se solde par 739 révocations. Une « liste grise », sorte de purgatoire en attente du pire, provoque, elle, 7 000 démissions.
« Nous ne vaincrons pas les adeptes de Staline àl’étranger, en adoptant, ici, les méthodes de McCarthy »,proteste mollement Harry Truman. Un voeu pieux, car le sénateur obtient carte blanche pour expurger les bibliothèques du Département d’Etat et des ambassades américaines des écrits réputés « subversifs », exception faite, toutefois, de la Déclaration d’indépendance… De son côté, le FBI ne chôme pas. Le passé politique de 3 millions d’Américains est observé à la loupe. Avoir pétitionné pour l’aide à l’URSS, du temps
encore tout proche de la guerre contre Hitler, vaut aveu de culpabilité. Relégués dans une bourgade texane, deux agents du Bureau fédéral produiront même, des mois durant, force rapports sur une cellule fantôme de métayers bolcheviques pour justifier leurs appointements
! Un prélude à la mise au pas des metteurs en scène et des acteurs.

Purges dans le show business

« C’est à Hollywood que se trouve le coeur du dispositif destiné à renverser le gouvernement », tranche l’honorable John Rankin, le comparse de McCarthy au Congrès. Sur le « front » culturel aussi, le FBI a montré la voie. Les argousins d’Edgar Hoover scrutent depuis vingt ans les films « litigieux ». A cause des Temps modernes et du Dictateur, preuve, estime le Bureau fédéral, d’un « antifascisme prématuré », Charlie Chaplin est, de loin, son suspect préféré. La mise à l’index des Raisins de la colère, fresque rageuse sur la Grande Dépression, ne surprend pas. Plus étonnants sont les commentaires du FBI sur La vie est belle, gentile bluette de Frank Capra. « Le banquier du film, souligne leur rapport, est arrogant et brutal. Le procédé habituel des communistes pour distiller leur propagande »…
Impatients de donner des gages, les studios de Hollywood se séparent des brebis galeuses et s’engagent à respecter les consignes des censeurs. Plus question de vilipender la libre entreprise, de « calomnier les riches et de s’attarder complaisamment sur les conflits sociaux ». Pour faire bonne mesure, une écurie de tâcherons de la pellicule est chargée de réaliser une avalanche de navets antirouges. Dans Comment j’ai épousé un communiste, l’héroïne apprend aux spec-
good bye uncle sam - le 17 avril 1953, Charlie Chaplin arrive à londres après avoir liquidé ses dernières possessions aux etats-unis et rendu son visa. il n’y reviendra plus jamais. Harcelé depuis des années par le FBI qui assimile son pacifisme revendiqué à du communisme, le cinéaste se réfugiera en Suisse.


tateurs à détecter le commie qui viendrait à se glisser dans leur entourage. L’énergumène est fébrile, forcément débraillé et, surtout, il utilise des mots de plus de trois syllabes… « En fait, résume l’actrice Lauren Bacall, la peur régnait déjà sur les plateaux depuis la condamnation des “dix de Hollywood” en 1947. »Coupables d’« outrage au Congrès », ces fortes têtes s’étaient retranchées derrière le premier amendement de la Constitution – qui garantit la liberté d’opinion – pour refuser de coopérer avec la Commission des activités antiaméricaines. Ils écopèrent de six mois à un an de prison.
En plus de Chaplin, Jules Dassin et Joseph Losey seront, plus tard, acculés à l’exil. Dalton Trumbo, lui, continuera à écrire, à l’insu du public, des scénarios sous divers patronymes. C’est seulement en 1959, après l’épuisement de l’hystérie antirouges, que son nom réapparaîtra dans les génériques d’Exodus et de Spartacus. « Ma condamnation pour outrage au Congrès était, avoua-t-il, parfaitement justifiée, car je n’avais que du mépris pour ces guignols. »
Tout le monde n’étant pas, comme Trumbo, doué pour l’héroïsme, on ne dénombre qu’une minorité de réfractaires qui osèrent tenir tête à leurs persécuteurs. « Je ne sais pas si je suis communiste, mais mon compte en banque, lui, a toujours été dans le rouge ! » rétorque
Woody Guthrie, le barde de l’Amérique ouvrière, quando on le prie de rendre des comptes. « C’est votre commission qui a des activités antiaméricaines », proteste Humphrey Bogart, « coupable » d’avoir affiché treize ans plus tôt son soutien à la République espagnole.
Victime oubliée de cette pantomime, le compositeur Elmer Bernstein décide de brûler ses vaisseaux : « Les seuls dans cette salle qui minent la Constitution sont mes accusateurs eux-mêmes ! » Plus nombreux sont  des renégats qui décident de « lâcher des noms » pour sauver leur carrière. Les réalisateurs Edward Dmytryk et Elia Kazan sont de ceux-là. L’acteur Sterling Hayden,venu au communisme à la suite de son parachutage dans les maquis titistes, restera taraudé par sa « trahison ». « J’étais un rat ! A cause de moi, mes meilleurs amis ont perdu leur gagne-pain », enrageait-il encore sur son lit de mort.



Ethel et Julius Rosenberg, victimes expiatoires de la paranoia antirouges, ils finiront sur la  chaise électrique en 1953.


Répudiation en direct

On notera que les plus enragés à accabler les accuses – de John Wayne à Ronald Reagan – avaient, à l’inverse de Hayden, contemplé la guerre de loin… Une circonspection qui va manquer à McCarthy pour assurer sa survie politique. Hollywood « nettoyé », le voilà condamné, pour rester à la une, à trouver de nouvelles cibles. Pourquoi pas l’armée, même si,
en pleine guerre froide, elle demeure l’arche sacrée de l’américanisme ? Sûr de son fait, le sénateur taxe ainsi le général Marshall de « tiédeur » face au péril rouge sous prétexte que le « sauveur de l’Europe » refuse d’étendre la guerre de Corée à la Chine… Pour faire bonne mesure, il accuse dans la foulée les Eglises protestantes « de constituer le plus vaste réseau d’aide au communisme de la planète » !
Placé à la tête de la commission du Sénat sur la subversion, le Torquemada du Middle West peut encore se croire intouchable. « Il est libre de convoquer n’ importe quel ministre ou général pour le questionner », rappelled l’avocat Tony Gaenslen. De fait, McCarthy va charger son bras droit, Roy Cohn, le « tombeur » des Rosenberg, de décortiquer le passé du malheureux Ralph
Zwicker, un obscur général soupçonné d’avoir couvert un subalterne « suspect ». Erreur funeste, car Cohn est homosexuel, un travers malencontreux quand son patron clame que « les invertis constituent un risqué pour la sécurité de la nation, car ils sont vulnerable au chantage …
De plus, la presse n’est pas longue à découvrir que le second du sénateur a tenté d’obtenir une affectation de complaisance pour son amant appelé sous les drapeaux… La salle des auditions du Sénat où McCarthy avait brisé tant d’existences va être le théâtre de son anéantissement. Fred Fisher, l’avocat de l’armée, évite d’abord le choc frontal, en protestant que l’honnête
Zwicker a toujours montré un patriotisme sans faille. Fidèle à sa méthode, McCarthy brandit alors la carte d’adhésion d’un stagiaire de Fisher au syndicat des avocats, « une organisation, glapit-il, qui, comme chacun sait, roule pour les rouges ». La salle frémit et 20 millions d’Américains – car les débats sont retransmis en direct – retiennent leur souffle. Fisher profère,
alors, la phrase fatidique que les milliers de victimes du matamore rêvaient de prononcer : « N’avez-vous, sénateur, aucune décence ? Qui vous autorise à vouloir détruire la vie de ce jeune homme ? » D’un seul coup, la peur s’évapore. En une poignée de secondes, le
costaud de saindoux est restitué à sa vraie nature de démagogue haineux. Pour la forme, il profère une dernière fois ses anathèmes mais la mayonnaise ne prend plus. Par 67 voix contre 22, les sénateurs qui, la veille encore, lui faisaient risette le répudient. « Si vous avez besoin d’un véritable ami à Washington,achetez-vous un chien », notait déjà Harry Truman.
Devenu infréquentable, McCarthy noie son amertume dans son verre, au point de trépasser en 1957, trois ans plus tard, de ses excès de boisson. Roy Cohn, lui, sortira presque intact de cette débâcle et il mettra, vingt ans plus tard, ses talents vénéneux au service de l’actuel président (lire l’encadré, ci-dessous). Soyons justes ! Sans McCarthy, Herbert Biberman n’aurait pas
été contraint d’émigrer au Mexique et d’y réaliser le Sel de la terre, chef-d’oeuvre du cinéma social…

L’HOMME QUI MURMURAIT
À L’OREILLE DE TRUMP…
Donald Trump dégringolera-t-il de son trône branlant à
la suite d’un tweet de trop ? Après tout, McCarthy régna
quatre ans sur le Sénat, avant d’être englouti par ses outrances. Faitpeu connu, c’est Roy Cohn, l’ex-second du sénateur, qui fut l’un despremiers à détecter chez Trump, lors d’une soirée à New York en 1977,l’envergure d’un présidentiable. « Ils se téléphonaient plusieurs fois par semaine, jusqu’à la mort de Cohn, en 1986 », précise le journalisteJonathan Mahler. De fait, « Roy le cynique » a enseigné à son poulainles rudiments du métier. « Il faut, estimait-il, d’abord comprendre que la mauvaise publicité est quand même de la publicité… » Peu importe qu’Obama soit ou non le « fondateur de l’Etat islamique »et la Suède, vraiment « ravagée par le terrorisme », l’essentiel est d’occuper les unes et d’y rester. Ensuite, désigner un ennemi
d’autant plus mortel qu’il avance masqué. Hier, les communistes,nichés au coeur de l’Etat. Aujourd’hui, les Latinos, supplétifs de laChine, puisqu’ils menacent de l’intérieur la cohésion de la nation.Seul hic : pour durer, Trump est condamné à inventer, chaque jour, denouveaux complots, sous peine d’endurer le sort de McCarthy, jeté aux
oubliettes lorsqu’il se découvrit en panne d’hérétiques à faire rôtir…